Dimensionnement d’un service public de secours : La juste taille?

Par Ariel DAHAN, Avocat

Lorsque j’étais étudiant en droit nos professeurs de droit administratif nous expliquaient que l’Etat devait dimensionner ses services publics à auteur du besoin maximal. La base légale de ce niveau de dimensionnement était tirée de la triple conjonction du principe de continuité du service public, du principe d’égalité d’accès des citoyens et du principe d’adaptabilité du services publics aux besoins publics.

Qu’un service public fasse défaut à une personne pour un problème de dimensionnement, et ce serait une faute d’organisation du service, responsabilité administrative engagée sur la faute simple, voire sans fautes dans certaines circonstances légales.

L’Etat étant tout sauf un bon gestionnaire, ces principes ont été très mal exprimés et compris.

C’est ainsi qu’on peut avoir pléthore d’établissements publics d’enseignement général de premier cycle (maternelles, écoles primaires), mais souffrir d’un manque cruel de services sanitaires et de santé. J’en ai fait état à l’occasion de la crise sanitaire qui a frappé le Monde entier en 2020 : la pandémie de la Covid19[1].

A cette époque les citoyens français ont découvert massivement que, au-delà du sous-effectif chronique des soignants, dénoncé depuis près de 10 ans, la France souffrait d’un sous-équipement général induit par une imprévision coupable. Ce sous-équipement ne touchait pas tous les services publics. Mais il touchait les plus essentiels :

  • Matériel sanitaire de première nécessité (les masques FFP2)
  • Equipement individuel des militaires (gilets pare-balle, équipement de vision nocturne…)
  • Matériel des policiers (voitures, munitions pour l’entraînement…)

Mais un secteur paraissait sauvegardé : celui de la lutte anti-incendie et feux de forêts et pour cause : le risque est connu et le besoin de dimensionnement également. Ainsi la France pouvait se vanter d’être l’un des pays les mieux équipés d’Europe pour la lutte anti-feux de forêts.

Hélas, c’était sans compter sur la situation caniculaire (pourtant prévisible) qui frappe le Monde à l’été 2022, et qui a généré des méga-feux dévastateurs dans des régions habituellement protégées (Gironde) et qui a même touché des régions humides (Bretagne, Normandie, Pas-de-Calais…).

A l’occasion de ces méga-feux, il est apparu que la flotte française de bombardiers d’eau (12 Canadairs, 7 DH-800, 2 hélicoptères largeurs d’eau) n’était pas disponible à 100%.

  • 2 Canadairs et 1 DH-800 étaient en maintenance liée à leur exploitation intensive.
  • 2 Canadairs sont en révision annuelle programmée pendant la saison des feux de forêts
  • 1 DH-800 est en cours d’immatriculation bien que livré physiquement et disponible.

Indisponibilité programmée : Ainsi, alors qu’il est acceptable que 3 des 19 appareils bombardiers d’eau soient indisponibles temporairement en raison d’une panne liée à leur exploitation, 3 autres appareils ne seront pas disponibles, et n’ont jamais été programmés pour être disponible pour cette saison de lutte anti-incendie[2].

3 avions indisponibles sur 19. Soit un ratio d’indisponibilité programmée de l’ordre de 1/6 soit entre 15,6 et 16%. En tant que citoyen je trouve ce taux d’indisponibilité « programmé » anormal. En toute hypothèse, il me paraît logique que 100% des moyens de secours soient disponibles pendant le pic de la période d’exploitation.

Méthode de passation et d’attribution des marchés publics en cause : Or, il semble que l’une des causes de cette indisponibilité soit liée au mode de passation du marché public d’entretien des appareils. Car l’Etat n’entretien pas lui-même son matériel. Il a décidé d’en confier la maintenance à une entreprise par appel d’offre.

Cette démarche n’est pas nouvelle, et ce n’est pas le fait que l’exploitant ne soit pas celui qui entretien l’appareil qui génère la difficulté. La situation d’indisponibilité est simplement due au fait que l’Etat n’a pas imposé, dans son marché public, que les appareils soient tous disponibles au début de la saison d’intervention.

En effet, selon l’article du Point cité, le marché public d’entretien des appareils en vigueur en 2022 a prévu de lisser la maintenance des appareils sur l’année ! Ce qui signifie que sur les 12 Canadairs, 2 sont en visite d’entretien (la révision des avions) pendant les deux mois d’été juillet et août…

Cette situation tout simplement ahurissante qui marque une innovation dans la prise en considération du dimensionnement du service public !

En effet, si l’entreprise titulaire du marché public n’est pas en tort et a respecté le marché, en programmant l’entretien de 2 des 12 bombardiers d’eau sur les deux mois d’exploitation intensive, le commanditaire qui a rédigé ce marché public et qui a dimensionné les besoins à couvrir a manifestement commis une faute.

Le fait de retirer deux appareils de la flotte pendant la période d’exploitation ne repose sur aucune logique. Cette faute pourrait[3] avoir contribué à la difficulté qu’éprouvent les équipes de lutte anti-incendie à arrêter les feux, ou même à les contrôler.

Deux avions en moins, ce sont deux rotations en moins par 15 minutes ;

Selon Philippe ROUX, officier de sécurité aérienne et pilote de Canadair engagé sur les feux de la Tête de Busch, 6 avions sont intervenus sur l’incendie, et chaque avion a effectué entre 30 et 50 largages soit une moyenne de 40 rotations par avion et entre 200 et 300 largages[4].

Il indiquait également que le feu aurait mérité l’intervention d’autres avions.

Précisément deux appareils supplémentaires auraient permis d’accomplir 80 rotations supplémentaires, soit 80 largages supplémentaires.

Ce qui repose la question du dimensionnement minimal des services publics.

L’Etat avait pourtant conscience du risque lié au réchauffement climatique et aux périodes caniculaires plus intenses, puisqu’il a créé en 2018 des bases avancées de pélicandrôme[5] au nord de la Loire.

Mais trois avions Trackers (bombardiers d’eau légers non-amphibie) ont été retirés de la flotte en 2020 à la suite d’un accident ayant entraîné la perte d’un équipage. Ces trois avions avaient une mission préventive de reconnaissance et de premier largage qui permettait d’éteindre les départs de feu. Cette capacité n’a pas encore été remplacée, l’arrivée du DH-800 en cours d’immatriculation ne répondant pas nécessairement aux mêmes besoins. En effet, le Tracker, relativement léger, emportait 3 000 litres de retardant alors que le D-800 emporte 10 000 litres de retardant.

Ainsi, dans ce contexte, il apparaît anormal que le dimensionnement du service public prévoie de se passer de deux appareils pendant la période d’exploitation haute, période où les équipages sont en tension.

Il me semble urgent de revoir les règles de passation des marchés publics, et très probablement d’y intégrer une règle de responsabilité du donneur d’ordre en cas de dimensionnement insuffisant des besoins.

Une telle mesure n’aurait pas évité les incendies. Mais elle aurait évité une polémique inutile qui discrédite lourdement le fonctionnement de l’Etat dans ses missions régaliennes déjà bien mises à mal.

Ariel DAHAN,

Le 24 juillet 2022


[1] Voir l’article Quel est le dimensionnement normal du Service Public de la Santé? | sur le blog 2kismokton ? réveil citoyen (blogcitoyen.fr)]

[2] Source Le Point Incendie : combien y a-t-il (vraiment) d’avions de la Sécurité civile ? (msn.com)

[3] https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/canadairs-polemique-artificielle-ou-vrai-sujet

[4] https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/document-video-tf1-incendies-en-gironde-a-la-teste-de-buch-et-landiras-un-pilote-d-avion-canadair-bombardier-d-eau-raconte-son-combat-contre-les-flammes-2226953.html

[5] Le pélicandrome est un aéroport équipé pour recharger les bombardiers d’eau non-amphibies en produit retardant.

Egalité professionnelle & salariale – la vision communiste ou l’horreur économique!

La proposition de loi présentée par Mme Marie-George Buffet est lourde de sens, tant elle confirme l’achaïsme des formations politiques de gauche face au monde du travail et à ses importantes mutations. voir http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0122.asp

La lecture des motifs de cette proposition est édifiante. Pour le peuple de gauche, l’inégalité salariale entre hommes et femmes est un résultat d’une lutte de classes où la moitié masculine de la planète dominerait sa moitié féminine, et l’enfermerait dans une vision patriarcale du monde. Quelques citations pour s’en rendre compte!

« Ces écarts s’expliquent pour partie par les caractéristiques du déroulement de la carrière des femmes. À la sortie du système éducatif, les hommes et les femmes sont souvent titulaires de diplômes et de spécialités différentes. Même lorsque ce n’est pas le cas, les femmes s’insèrent dans des métiers différents, souvent moins rémunérés. »

Mais c’es bien sûr! La solution se trouve dans le choix des filières en amont. Il faut interdire aux femmes de faire les choix des études qui leur plaisent, et leur imposer des filières! Que les jeunes femmes qui s’orientent massivement vers la psycho, les études littéraires, ou le médical soient mises au pilori pour incivisme! Il faut les intégrer de force dans d’autres cursus, dans la grande tradition soviétique!

« Ces écarts salariaux s’expliquent aussi par… un recours croissant des entreprises au temps partiel. Ces contrats, occupés aux deux tiers par des femmes le plus souvent à l’initiative de l’employeur, représentent aujourd’hui 18 % des emplois au lieu de 7 % il y a trente ans. Or ils ne sont par définition pas rémunérés à taux plein, ce qui a pour conséquence de réduire le salaire disponible en fin de mois et les primes. Aussi, un grand nombre de femmes, parfois seules avec des enfants, vivent dans une grande précarité, alors que le temps partiel s’accompagne en général d’une intensification de la charge de travail ou encore d’une amplitude des horaires de travail largement supérieure à la durée légale d’une journée de travail. »

Vous oubliez simplement que le temps partiel a été autorisé par la gauche. Qu’il s’agissait d’une avancée sociale, permettant aux femmes de conserver un emploi, et de maintenir leurs priorités familiales. Je sais que je vais me faire conspuer en écrivant celà. Mais la réalité est là! Si le travail à temps partiel disparaît, les premières victimes seront essentiellement les femmes qui ne trouvent pas de place de crèche pour les enfants, ni de mode de garde le mercredi. Le passage à 80% pour se libérer le mercredi est une réalité sociologique qu’il est difficile de ne pas conserver à l’esprit.

« A contrat, diplômes, expérience et responsabilités égales, une femme gagne en moyenne 12 % de moins qu’un homme. Cette différence est directement liée au sexe des salariées : c’est parce qu’elles sont femmes qu’elles sont moins payées que les hommes. « 

Bien sûr que non. Dans la plupart des situations, les écarts de salaire s’expliquent par une capacité de négociation supérieure. Il ne faut pas regarder les écarts de salaire, mais s’interroger sur la question de savoir si le salaire minimum est couvert.

Tous les salariés ne se valent pas. Entre deux hommes, l’un aura une progression fulgurante, et l’autre pas. Est-ce discriminant? Certainement pas! Celà signifie simplement que l’employeur rémunère la compétence, ou plus exactement la capacité à négocier le salaire. Plus un salarié se voit indispensable par son supérieur et plus sa carrière progressera. Qu’il soit homme ou femme. Mais l’écart de salaires entre hommes et femmes est surtout lié au fait que les femmes revendiquent moins de hausse de salaire que les hommes.

La vrai révolution se joue ici : dans le comportement des femmes salariées. IL faut leur apprendre à revendiquer et à poursuivre l’augmentation salariale, là où le féminisme d’avant-guerre les a surtout incitées à rechercher l’ultracompétence, et la promotion technique.

« Ces inégalités ont une même cause : la domination masculine et la reproduction des schémas de domination patriarcale qu’elles contribuent à entretenir, au travail comme dans la sphère domestique. »

Tout est dit! L’ineptie communiste est en marche! En 2012, crois-t’on réellement à une domination patriarcale de l’homme sur la femme? C’est ne pas tenir compte des modifications essentielles de la société!

Aussi les 7 propositions qu’elle fait sont topiques de cette vision du travail : mettre le feu dans les relations professionnelles.

L’article 1er supprime la réduction générale de cotisations patronales lorsque l’employeur ne s’engage pas à supprimer les écarts de salaire …

L’objectif serait d’imposer aux employeurs une obligation de résultat en matière de négociation, et de la couvrir d’une « lourde » sanction financière.

L’article 2 supprime l’abattement d’assiette pour le calcul des cotisations de sécurité sociale pour les entreprises de plus de vingt salariés dont l’effectif compte, par catégorie d’emploi, plus de 15% de salariés à temps partiel.

Ainsi, pour 20 salariés, il suffirait d’un salarié 1/2 à temps partiel pour faire perdre les droits à abattement! Une révolution économique majeure de l’économie des entreprises, et à terme des licenciements en masse!

L’article 3 propose une nouvelle rédaction de l’article L2242-5-1 du code du travail : il augmente « significativement » la pénalité due lorsque les entreprises ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale et professionnelle hommes-femmes.

Tout est dans le mot: Augmentation « significative » des pénalités. Le chef d’entreprises c’est l’ennemi!

L’article 4 vise à imposer que les entreprises candidates à un marché soient, à peine de nullité de leur candidature, être couvertes par un accord salarial et un accord relatif à l’égalité professionnelle.

C’est probablement le moins pénible des points de cette loi.

L’article 5 majore les cotisations sociales patronales dès que le nombre de salariés à temps partiel dépasse 1/5ème des effectifs des entreprises de plus de 20 salariés. Au nom de la protection des victimes du temps partiel « subi »!

Mais faut-il préciser que dans la fonction publique hospitalière ou dans la fonction publique territoriale, le taux de temps partiel est simplement phénoménal? Combien de maîtres d’école qui débutent en temps partiel? Combien de professeurs de lycées qui demandent un temps partiel? Combien d’infirmières, de sage-femmes, d’aide-soignants qui sont volontaires au temps partiel pendant une partie de leur fonction? (essentiellement en retour de maternité). Cet article s’appliquera-t’il à la fonction publique?

L’article 6 créée un droit à la journée continue afin de bannir la pratique des horaires fractionnés, laquelle empêche bien souvent les salariés qui les subissent de compléter leurs revenus grâce à une seconde activité.

Je n’aurais rien à y redire si l’activité le permet. Mais que dire de l’activité de la restauration, où la pause entre 3 heures et 7 heures est intégrée au mode de vie? Faut-il considérer qu’un salarié en pause pendant 4 heures devra être rémunéré?

Par ailleurs, je trouve cocasse, venant d’un parti d’extrême gauche, que l’idée de compléter ses revenus par une seconde activité soit reprise. Celà sonne étrangement proche du « travailler plus pour gagner plus » qu’avait instauré Nicolas SARKOZY en d’autres temps… mais proposé par la gauche, c’est nécessairement mieux!

L’article 7 prévoit que la prime de précarité versée au départ d’un salarié en contrat à durée déterminée est majorée lorsque celui-ci était à temps partiel.

Certainement le plus important et le plus comique! C’est « travailler moins pour gagner plus! ». Comment peut-on réussir à se regarder dans une glace avec de tels propos!

Espérons que cette proposition retournera là d’où elle n’aurait jamais du sortir : les déchets de l’idéologie de la gauche extrême!