Différences de vision entre L’Enlèvement des Sabines par les Romains et L’Enlèvement des Israéliennes par les Gazaouis

Différences de vision entre L’Enlèvement des Sabines par les Romains et L’Enlèvement des Israéliennes par les Gazaouis

Par Ariel DAHAN, Avocat

L’absence de consentement sexuel est-il un élément descriptif des civilisations autoritaires ? A contrario la protection de ce consentement est-elle l’élément distinctif d’une société occidentale moderne ?

L’enlèvement des Sabines -1634-1635), Nicolas Poussin, Métropolitan Museum of art, New-York

La fondation de Rome, à en croire le mythe, intervient le 12 avril 753 AntéChrist, 11 jours avant les Calendes de mai. Plutarque, dans son De Viris Illustribus, recense plusieurs mythologies de la création de Rome, dont une de rescapés de la ville de Troyes, menée par une dame Roma. Il retient toutefois comme plus plausible la thèse de la naissance gémellaire de Rémus et Romulus, leur allaitement par une louve et des oiseaux, et leur éducation par un berger. Sur la question de la création de Rome, le hasard ou la divination ont joué un rôle pour définir le lieu.

Crime fondateur de civilisation : On oublie trop souvent de dire que Rome s’est formée sur le sang versé, meurtre fratricide de Rémus par Romulus, meurtre qui convoque étrangement le premier crime historique, celui de Abel par Caïn, motivé par la jalousie.

L’histoire de notre civilisation connait d’autres confrontations familiales issues d’une jalousie organisée, et constitutives de civilisations :

  • Jalousie de Caïn envers Abel, premier crime humain, à l’origine de la première idée de la défense pénale (fut-elle mal assumée) ; Mais ce crime ne crée pas une civilisation. Nul ne connaît les descendants de Caïn, l’exilé et réprouvé à vie…
  • Opposition orchestrée d’Isaac & Ismaël, les enfants d’Abraham issues de deux mères différentes, confrontation aboutissant à la séparation familiale et la création de deux peuples distincts d’égale ; Du schisme sont nées deux civilisations proches mais tellement éloignées ! D’ailleurs selon le professeur François De Fontète, Rémus et Romulus seraient des descendants de Ismaël ce qui expliquerait son archi-antisémitisme arcbouté [1]!
  • Rancœur d’Esaü envers Jacob, les jumeaux d’Isaac, après que Jacob ait volé le droit d’aînesse d’Esaü, ce qui le force à fuir craignant pour sa vie, se retrouver en exil et épouser deux femmes, Rachel & Léa, avant de se réconcilier en situation de force avec son frère après avoir combattu l’Ange de la Mort, Jacob prenant alors le nom d’Israël… ;
  • Jalousie des fils de Jacob envers leur frère Joseph qui sera vendu en esclavage pour ne pas être tué, devenant 1er Ministre du Pharaon, et faisant ensuite venir sa famille, qui deviendra un peuple ;

La confrontation, la concurrence, sont souvent de fabuleux moteurs de la création, l’origine historique de la théorie de la destruction créatrice chère à Joseph Schumpeter.[2]

Dans la relation des faits retenue par Plutarque[3], la ville de Rome une fois créée, Romulus a été confronté à la question de son peuplement, constatant que sa cité n’était peuplée que de réprouvés (comme Athènes était jadis la cité des exilés).

A proximité de la cité en devenir vivait la tribu des Sabins, peuple de robustes guerriers descendants des spartiates avec lequel Romulus souhaitait s’allier.

Le 18ème jour du mois de Sextilis, (août), 4 mois après avoir tracé le sillon fondateur de l’enceinte de Rome, Romulus initia sa première guerre. Plutarque explique que Romulus était « porté naturellement à la guerre », et qu’il souhaitait que Rome fût nourrie et élevée dans les armes. L’attaque des Sabins serait un prétexte pour tester sa capacité virile (au sens d’agressive).

Selon Plutarque, Romulus n’aurait voulu enlever « que » 30 femmes sabines, destinées aux 30 chefs des grandes familles constitutives de sa cité. Cependant il relate des témoignages plus chargés, Valerius Antia fait état de 727 jeunes filles enlevées et Juba 683 jeunes filles.

Dans les deux cas ce nombre était anormalement important. L’enlèvement des Sabines n’est pas un fait divers, ni le viol d’une jeune fille par un soudard. C’est un événement de portée historique par son ampleur et son but. Toute une population s’est faite enlevée, dans un but explicite : les captives seraient les porteuses des futurs romains.

Excuse auto-absolutoire! Cette erreur auto-affirmée par Romulus convoque cette affirmation insupportable du chef du Hamas qui présente des fausses excuses à la population Gazaouie pour les souffrances liées à cette guerre de libération des otages[4]… (sic !)

Le consentement des jeunes filles n’était pas recherché. Il l’était rarement à l’époque puisque les enfants « appartenaient » patrimonialement à leur père, en raison du Paterfamilias. Celui des familles non-plus d’ailleurs. Isabelle Pilouguet-Pédarros explique à ce sujet[5] que les femmes étaient ciblées à plusieurs titres lors des guerres antiques pré-romaines :

  • victimes communes de guerre comme les hommes
  • objet sexuel destiné aux soudards,
  • risque de vengeance future dont il faut détruire le ventre reproducteur,
  • capacité d’apaisement politique futur par le mariage forcé,

C’est toutefois la première fois à ma connaissance que des Femmes étaient visées en raison de leur capacité reproductrice, avant même le début de la guerre, et non pas pour détruire un peuple honni mais pour créer un peuple !

La réaction des Sabins, guerriers spartiates, fut très prévisible : Ce fut une guerre qui, si elle s’est mise en route tardivement, fût brutale pour Rome qui a perdu de nombreux officiers ! Mais les Sabines enlevées n’avaient pas intérêt à ce que cette guerre aboutisse, ni à la victoire des Sabins ni à la victoire des Romains.

En effet le sort des jeunes-filles déshonorées à cette époque glorieuse était des plus cruel : elles encourraient la mort pour laver l’affront. Elles ne pouvaient pas espérer la victoire des Sabins. Leur retour dans leurs familles était devenu impossible après que leur mariage forcé fut consommé !

La victoire de Rome était également impossible, car elle signifiait la mort des pères, frères ou aimés.

C’est à ce moment que les Sabines, prenant leur destin en main, sont intervenues pour faire cesser la bataille, affirmant aux Sabins leur souhait de demeurer avec ceux qui étaient devenus leurs époux légitimes et pères de leurs enfants. Retournement inédit et imprévu qui mis fin aux combats.

Les Sabines arrêtant la guerre, Jacques-Louis David, 1799, Louvres, Paris, Inventaire INV3691

On peut comprendre pourquoi Rome a vécu autant de trahisons. Violence et trahison sont inscrits dans son ADN, dans ses Mêmes.

Précédents historiques: Ce Crime de Guerre historique, crime fondateur de Rome, a des précédents notables dans l’histoire antérieure, ainsi que des réitérations ultérieures, qu’il convient de recenser rapidement au travers d’une fresque historique particulièrement simplifiée :

  • Dans le panthéon grec et romain un nombre incroyable de divinités se sont autorisées à enlever des jeunes filles pour créer une descendance parfois civilisationnelle :
    • Le rapt de Prospérine/Perséphone par Pluton/Hadès (pour en faire la reine des Enfers et la déesse du Printemps)
    • L’enlèvement de Io par Jupiter, s’installant en Egypte pour devenir la déesse Isis, son fils Epaphos fondant ensuite la ville égyptienne de Memphis[6]
    • Le ravissement de Psyché par Amour/Cupidon
    • L’enlèvement d’Europe par Zeus, pour former la civilisation européenne…
  • 1250 ans avant l’ère chrétienne, les pharaons avaient intellectualisé l’assimilation forcée des hébreux à la population égyptienne en obligeant les femmes hébreux à s’unir avec des Égyptiens dans le but de réduire leur tribu, espérant que les enfants de ces unions prendraient les coutumes égyptiennes. Cela eu pour conséquence de créer la première civilisation matrilinéaire, l’appartenance au peuple hébreu se faisant dès lors par la mère et non par le père. En 2510 du calendrier hébraïque. 450 ans avant la création de Rome
  • Dans un temps historiques contemporain, Hélène promise au roi Ménélas, est « enlevée » et séduite par Pâris qui devait sécuriser son voyage prénuptial. Au pied des remparts de la ville de Troyes s’organise la première guerre mondiale connue, le Roi Ménélas, roi de Sparte, réunissant toutes les cités grecques pour récupérer sa femme derrière les remparts Troyens. Le fait que les Sabins soient eux-mêmes spartiates donne à penser à quel point l’enlèvement a été un choc culturel… Si le roi Ménélas était capable de réunir toutes les républiques locales et d’anéantir la moindre trace de Troye pour une promise, que ne feraient pas les Sabins pour leurs filles, lesquelles représentaient l’espoir de leur ethnie !
  • En 74 de l’ère chrétienne, 3760 du calendrier hébraïque, 800 ans après la fondation de Rome, les Romains faisant le siège de Massada, furent confronté à des femmes bien plus farouches que les Sabines, qui ont préféré se suicider avec leurs maris, leurs pères et leurs enfants plutôt que de devenir esclaves de Rome et subir leur servilité. Flavius Silva n’a pas vaincu les Zélotes de Eleazar Ben Yaïr. En 74 de notre ère, lorsque ses troupes entrent dans Massada après 2 ans de siège, ils trouvent 1000 guerriers et leur famille suicidés, le pire des gestes possibles pour un hébreu, le dernier acceptable pour ne pas se trahir soi-même.
  • En 1535, A la fin du Moyen âge, les razzias des pirates barbaresques (turcs) de Solimane le Magnifique enlevant les hommes et les femmes pour les vendre en esclaves – les femmes étant essentiellement vendues pour peupler les harems ou comme épouses et futures mères – enlèvement à visée essentiellement sexuelle.[7]
  • Du 20 juin au 19 juillet 1626, les enlèvements turco-algérois en Islande (Tyrkjaránið), série de raids esclavagistes portant sur près de 1% de la population islandaise vendus en esclavage en Algérie par le pirate hollandais Jan Janszoon pirate converti à l’Islam et Grand Amiral de la République de Salé (Maroc) sous le nom de Mourad Rais.[8] L’enlèvement de la population islandaise demeure toujours un élément historique traumatisant en Islande.

Le viol des femmes comme arme de guerre : Depuis la fin du 20ème siècle, l’enlèvement des jeunes femmes est devenu un mode de guerre normal en Afrique ainsi qu’un mode de recrutement forcé de la population de DAESH/ISIS, sans même compter sur le viol des populations civiles qui relève d’un autre débat.

  • Le 14 avril 2014, 276 élèves ont été enlevées au Nigéria par Boko Haram dont une grande partie a été simplement vendue comme épouse forcée aux combattants de DAESH.
  • En 2021, Amnesty International recensait 1500 cas de viols de guerre à Kananga, république démocratique du Congo[9], qualifiant le viol d’arme de guerre.

Les occidentaux pensaient à tort que ces comportements ne pouvaient arriver que dans des pays à tissus sociétal inexistant. Ils avaient tort !

7 octobre 2023 : le nouveau pogrom moderne: 74 ans après la création d’Israël, 2050 ans après le siège de Massada, 2850 ans après le premier enlèvement massif de femmes, eut lieu un pogrom de 1300 civils, hommes, femmes et enfants, tués parce que juifs, par plus de 30.000 gazaouis infiltrés dans une Israël assiégée.

Au-delà de ces morts et des images innommables dont se sont enorgueillis leurs bourreaux, se furent aussi 247 otages emmenés dans Gaza avec une volonté criminelle affirmée, et des conséquences qu’il faut regarder de front.

Car une partie importante de ces otages sont des jeunes-filles, dont on sait qu’elles ont été violées. Les témoignages pleuvent sur les viols exprimés par les témoins, les victimes rescapées, les analyses médicolégales post-mortem, ou les témoignages des otages après leur libération.[10]

La nature faisant hélas son travail, il faut considérer qu’une part importante de ces otages est peut-être enceinte des terroristes. Or, si les enfants d’une femme juive sont juifs, les enfants d’un homme musulman sont musulmans. C’est une question de droit civil et de Statut des Personnes : Les pays musulmans ont en effet un droit civil qui s’appuie sur la règle religieuse, et qui transfère la nationalité par le père.

Les otages juifs sont placés en situation d’esclavage sexuel assumé par l’ensemble de la population de Gaza. Dans ce cas précis il paraît évident que les Sabines n’auraient pas la volonté de mettre un terme à la guerre. En effet Israël ne connaît pas le meurtre d’honneur. Le viol d’une femme ne la déshonore pas.

Crime dit d’honneur : La brutalité comportementale des Sabins et le sort horrible promis aux jeunes filles déshonorées au regard de notre civilisation actuelle s’inscrit dans ce qu’il a été convenu d’appeler les « crimes d’honneurs » dans presque toutes les civilisations antiques, et qu’on retrouve aujourd’hui encore dans certaines législations de pays d’obédience musulmane (Maroc, Algérie, Jordanie, Turquie, la Tunisie et la Lybie ayant eu une période de libération de la femme hélas annulée depuis le « printemps arabe »…) :

D’autres sociétés (bien peu en vérité) ont estimé que la femme violée ne perdait pas son honneur, lequel ne se plaçait pas entre ses jambes mais dans sa tête et dans son cœur. Il fallait de fait viser plus haut…

En 74 de notre ère, les derniers résistants hébreux à Rome, refusant la trahison, luttent contre l’hégémonie romaine jusqu’à la mort… Ce n’est pas un crime d’honneur, mais un suicide pour éviter un esclavage dont on sait qu’il aurait été avilissant. Voilà qui fait parler. Suivirent 1900 ans d’obscurantisme pendant lesquels un peuple unique fut opprimé et dépourvu de terre. Pour qu’enfin en 1948 ce même peuple renaisse de ses cendres et puisse à nouveau faire prospérer ses familles, après un massacre hors norme de 6 millions de juifs, hommes, femmes et enfants, dans un but non pas de construction mais toujours de destruction.

De l’autre côté, un enfant né d’une femme israélienne et d’un terroriste musulman constitue le meurtre absolu : La mère captive ne pourra pas avoir d’enfants juifs, et ne mettra au monde que des enfants musulmans, sans certitude qu’ils soient libres un jour.

C’est donc un double crime qui est commis par cet enlèvement des israéliennes le 7 octobre :

  • le crime d’enlèvement et toutes les conséquences qu’on peut imaginer en termes de violences sexuelles sur ces malheureuses jeunes filles,
  • le crime d’extinction ethnique en interdisant aux jeunes femmes de procréer des enfants juifs

Les pharaons avaient promu une politique d’extinction ethnique équivalente en 1250 avant l’ère chrétienne, 450 ans avant Rome, en 2510 du calendrier hébreu[11]. ! Avec le succès qu’on leur a connu. 3274 ans plus tard, la même idée est reprise par les terroristes du Hamas : le ventre de la femme est assimilé à un ennemi ou un bouclier !

Avec le succès qu’on lui connaît puisque plus de 16000 combattants du Hamas ont été détruits dans la guerre initiée dans les jours qui ont suivi cette attaque et que Gaza a été détruite à un niveau presque subatomique !

Dans un mode qui, depuis 1945, abhorre et interdit la guerre, il est tout à l’honneur du peuple hébreu de constater qu’il se battra toujours pour récupérer ses otages. L’exemple qu’il donne est celui du peuple qui n’accepte pas la violence mais s’y résous pour une cause juste : la vie de ses citoyens.

6 mois après ce dernier enlèvement historique, se dire que chaque vie compte, et qu’un individu peut être échangé contre plus de 1000 terroristes détenus met le niveau éthique d’Israël particulièrement haut. D’autres pays auraient renoncé à récupérer sa population.

Ariel DAHAN, le 8 avril 2024


[1] François de Fontette : Histoire de l’antisémitisme. (Que sais-je ? 2039.) Paris 1982, PUF.
François de Fontette : Sociologie de l’antisémitisme. (Que sais-je ? 2194.) Paris 1984, PUF

[2] Capitalism, Socialism and Democracy, J.Schumpeter 1942, traduit en français en 1951

[3] De Viris Illustribus, Chap XVI, Vie de Romulus, Plutarque

[4] https://www.i24news.tv/fr/actu/israel-en-guerre/artc-le-hamas-s-excuse-aupres-des-gazaouis-pour-les-souffrances-liees-a-la-guerre

[5] Des violences de masse et des femmes : enquête au temps des campagnes d’Alexandre en Grèce et en Orient, Isabelle Pimouguet-Pédarros, in Dossier thématique : Violences de masse et violences extrêmes en contexte de guerre dans l’Antiquité, KENTRON, revue plurisciplinaire du monde antique 37/2022 p. 59-110 https://journals.openedition.org/kentron/6074#tocto2n3,

[6] www.larousse.fr/encyclopedie/mythologie/Io/189930

[7] Les Barbaresques, La course et la guerre en Méditerranée XIVè – XVIè siècle, Jacques Heers, Ed° POUR L’HISTOIRE – PERRIN – Août 2001

[8] Þorsteinn Helgason (trad. de l’islandais), The Corsairs’ Longest Voyage : The Turkish Raid in Iceland 1627, Leiden, BRILL, 2018 (ISBN 978-90-04-36370-0lire en ligne

[9] https://fr.africanews.com/2021/08/24/le-viol-l-arme-de-guerre-du-21e-siecle/

[10] https://www.lejdd.fr/international/israel-le-temoignage-glacant-dune-survivante-de-lattaque-du-7-octobre-violee-et-mutilee-par-les-terroristes-du-hamas-139912

[11] Le Pharaon avait édicté une loi interdisant aux femmes du peuple hébreu de prendre époux dans leur groupe, à seul fin de déliter ce peuple qui prenait trop de place et trop d’importance.

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