Remaniement ministériel de février : une farce à la Hollande?

Remaniement ministériel de février : une farce à la Hollande?

Après le psychodrame Taubira, qui a duré 4 ans, et qui s’est terminé en apothéose par un bras d’honneur du Garde des Sceaux à la règle républicaine, et au devoir de réserve (elle a tout de même rédigé, sur son temps de service entre novembre et décembre/janvier un opuscule destiné à être publié au lendemain de sa démission, date qu’elle a programmée de longue date pour pourrir la démarche du Gouvernement), le Peuple de France serait bien-fondé à s’interroger sur la représentation technique et politique de ce remaniement ministériel qui représente le cas d’école typique de ce qu’il ne faut jamais faire dans un gouvernement de la République française!

Les ministres partants

Décryptons ensemble l’information publique affichée sur le site internet service-public.fr ainsi que le décret du 11 février 2016:

Art. 1er. – Il est mis fin aux fonctions de :
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international ;
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité ;
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique ;
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication.

Ok pour Laurent Fabius, qui, prudent, souhaite s’assurer 5 ans de fauteil prestigieux à présider le Conseil Constitutionnel avant la chute programmée de la gauche (bien qu’il ne connaisse pas la moindre notion de droit!). Il est volontaire. On sait qu’il allait partir. Il n’a pas vraiment brillé pas par son courage. D’autant plus qu’il se conserve d’autorité la présidence de la COP21. On peut d’ailleurs se demander si ce cumul de mandats est compatible avec sa nouvelle fonciton de magistrat. Mais pour ce « responsable mais pas coupable », après tout, on n’est plus à une erreur près!

Pourquoi diable se séparer de Sylvia Pinel, qui a été le meilleur ministre du Logement que Hollande ait sû nous donner? (Ok, il faut dire qu’après avoir choisi le pire de tous, en nommant une écolo qui a pourri le marché immobilier pour au moins 5 ans…, Pinel faisait office de génie). Grande question : était-elle informée? Mystère.

Pourquoi diable se séparer de Marylise Lebranchu, qui était considérée comme un (presque) bon ministre de la fonction publique?

Mais surtout: Pourquoi avoir annoncé le départ de Fleur Pellerin aussi tard! Et pour quelle raison? Elle n’avait pourtant pas démérité, et même si elle a commis des bourdes, ce fût probablement la moins cruche du gouvernement!  (Avec le recul je me demande si cette phrase est un compliment… dans le doute, je la conserve).

Pire qu’un limogeage, cette méthode propre à Hollande est symptomatique du mépris qu’il peut avoir pour autrui : à dégager avec préavis SMS… Le genre de cuistre à quitter une femme sur un post-it…

Les ministres (et secrétaires d’état) entrants

  • Jean-Marc AYRAULT – Affaires étrangères et développement international
  • Jean-Jacques URVOAS – Garde des Sceaux
  • Audrey AZOULAY – Culture et communication
  • Jean-MIchel BAYLET – Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales
  • Emmanuelle COSSE – Logement et habitat durable
  • Harlem DESIR – sde Affaires européennes, auprès du ministre des Affaires étrangères
  • Jean-Vincent PLACE – sde Réforme de l’État et simplification, auprès du Premier ministre
  • Barbara POMPILI – sde Chargée de la Biodiversité, auprès de la ministre de l’Environnement
  • Ericka BAREIGTS – sde Égalité réelle, auprès du Premier ministre

C’est là qu’on se marre…!

Rappeler J-Marc AYRAULT après l’avoir dégagé avec fracas au profit de Valls, c’est déjà cocasse en soit.

Faire entrer Emmanuelle COSSE, J-Vincent PLACE, J-Michel BAYLET et Barbara POMPILI au gouvernement alors qu’ils revendiquent une orthodoxie environnementale anti-gouvernementaliste, tient de la grande farce politique.

Rappeler Harlem DESIR, à qui Hollande a remis le hochet de président du Parti Socialiste, pour lui confier les Affaires Européennes aurait pu être intéressant si ce n’était un « secrétariat d’état » inféodé à JM Ayrault, preuve que le Gvt Hollande a du mal à comprendre l’importance et l’unicité de la diplomatie européenne face à la diplomatie internationale…

Le choix des fonctions

  • Affaires étrangères et développement international : Jean-Marc Ayrault ;
  • Environnement, énergie et mer, chargée des relations internationales sur le climat : Ségolène Royal ;

Stop ! Avez-vous bien compris? Ayrault est donc Ministre des Affaires Etrangères. (Et responsable aussi des Affaires Européennes, contrôlant Harlem DESIR).
Mais il ne pourra pas intervenir sur les relations internationales sur le climat, attribuées d’autorité à Ségolène Royal! Non plus que la COP21, dont Fabius se conserve d’autorité la présidence… (vous avez dit cumul des mandats?) Très pratique pour négocier les futurs traités. Un MAE amoindri… dans un concert de nations où la diplomtie nécessite la confiance. Autant envoyer un bouffon négocier les traités dans ce cas!

  • Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche : Najat Vallaud-Belkacem ;  Rien de positif à dire.
  • Finances et comptes publics : Michel Sapin ;
  • Affaires sociales et santé : Marisol Touraine ;
  • Défense : Jean-Yves Le Drian ;

Stop ! Avez-vous bien suivi les élections régionales? Le même J-Yves Le Drian élu président de la Région Bretagne, et qui s’est auto-autorisé le cumul de mandats. Sous prétexte qu’il se sentait indispensable… Soyons clairs, les cimetières sont remplis de gens indispensables!

  • Garde des sceaux, ministre de la justice : Jean-Jacques Urvoas ; Te Deum Taubira!
  • Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social : Myriam El Khomri ;

Stop : Savez-vous bien que Mme El Khomri veut interdire aux fonctionnaires travaillant à temps plein (35 heures) d’avoir une autre activité? Au prétexte que si le fonctionnaire exerce une seconde activité c’est qu’il n’est pas assez épuisé par sa fonction? Une vision tellement archaÏque du travail (non, le travaille n’épuise plus. Mais le manque d’argent oblige à travailler et à cumuler les postes!)

  • Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales : Jean-Michel Baylet ;
  • Intérieur : Bernard Cazeneuve ;
  • Agriculture, agroalimentaire et forêt, porte-parole du gouvernement : Stéphane Le Foll ;
  • Logement et habitat durable : Emmanuelle Cosse ;

Stop : Avez-vous bien suivi? Hollande a d’abord offert à la France un ministre écolo qui a détruit le marché du logement en France. Puis un ministre plus réactif qui a redonné un peu de confiance au marché (c’est tout de même une socialiste dure). Mais voilà qu’il reprend une écolo pure et dure, qui nous garantie le retour à la chandelle! Bien joué Hollande, pour restaurer l’économie et l’emploi!

  • Économie, industrie et numérique : Emmanuel Macron ;

Stop ! Avez-vous compris que Macron a été sanctionné? Il passe de Ministre d’Etat en deuxième rang protocolaire, au 13ème rang protocolaire! Savez-vous pourquoi? Moi non-plus. Peut-être la peur du succès? C’est vrai que ce serait dommage que la France avance…

  • Culture et communication : Audrey Azoulay ; No conosco la chica!
  • Famille, enfance et droits des femmes : Laurence Rossignol ;

Stop ! c’est quoi ce ministère de l’enfance?

  • Fonction publique : Annick Girardin ;
  • Ville, jeunesse et sports : Patrick Kanner ;
  • Outre-mer : George Pau-Langevin.

Les secrétaires d’État

  • Relations avec le Parlement, auprès du Premier ministre : Jean-Marie Le Guen ;
  • Égalité réelle, auprès du Premier ministre : Ericka Bareigts ;

Stop! Vous avez compris le terme? On est en pleine NovLangue là. Ministère de la Vérité… MInistère de l’Egalité « Réelle ». Car évidemment il existe une égalité « virtuelle » dans laquelle nous vivons tous. Et Hollande est le messie appelé pour nous faire sortir de la Matrice? Surréaliste! Du vrai Dali!

  • Réforme de l’État et simplification, auprès du Premier ministre : Jean-Vincent Placé ;

Stop! Avez-vous déjà écouté un discours de JVP? L’avez-vous compris? Pas moi! De là à s’inquiéter quand à la réforme de l’Etat et à sa simplification!!!

  • Aide aux victimes, auprès du Premier ministre : Juliette Méadel ;
  • Affaires européennes, auprès du ministre des Affaires étrangères : Harlem Désir ;

Stop! Avez-vous remarqué que les Affaires européennes ne sont plus une préoccupation de la France? Rappelez-moi dans quel continent se situe la France? Après être devenu la risée de l’Angleterre, et s’être fâché avec Merkel, puis Poutine, il veut sans-doute se fâcher avec l’Europe?

  • Commerce extérieur, promotion du tourisme et Français de l’étranger, auprès du ministre des Affaires étrangères : Matthias Fekl ;

Stop! Avez-vous suivi le rattachement de tuelle? Le Commerce extérieur est devenu une annexe du MAE, alors qu’il était jadis une composante essentielle du Ministère de l’Industrie. Au fait, Avons-nous encore un ministère du Commerce et de l’Industrie? Perdu! Juste un secrétariat d’état au Commerce et à l’Artisanat et à l’économie solidaire… Voilà ce qu’est devenue la France… Ne vous étonnez pas si l’on perd des emplois et qu’on gagne du chômage!

  • Développement et francophonie, auprès du ministre des Affaires étrangères : André Vallini ;
  • Transports, mer et pêche, auprès de la ministre de l’Environnement : Alain Vidalies ;

Stop! Personne ne s’étonne de la tutelle des Transports, de la Mer et de la Pêche au Ministère de l’Environement (Ségo)? Et pourtant! Ne voir les Transports et la Pêche que sous l’aspect nuisance environnementale, c’est un crime économique! La France est une plaque tournante du transport international; Sans politique audacieuse du transport et de la mer, nous resterons un simple carrefour, où les navires et les camions se contentent de passer sans s’arrêter. A endommager nos infrastructures sans créer de richesses. Dommage! Encore raté, tout ça pour plaire à la Première Kadine!

  • Biodiversité, auprès de la ministre de l’Environnement : Barbara Pompili ;
  • Enseignement supérieur et recherche, auprès de la ministre de l’Éducation : Thierry Mandon ;
  • Budget, auprès du ministre des finances : Christian Eckert ;
  • Personnes handicapées et lutte contre l’exclusion, auprès de la ministre des Affaires sociales : Ségolène Neuville ;
  • Personnes âgées et autonomie, auprès de la ministre des Affaires sociales : Pascale Boistard ;

Stop! Vous n’avez pas l’mpression de la redondance? De qui dépendra la personne handicapée sans emploi, agée et ayant perdue toute autonomie? y a t’il autant de divergence entre les problématiques de l’un et de l’autre pour en faire deux ministres différents? En cette période d’économie, un secrétaire d’état en moins, c’est toujours ça de gagné…

  • Anciens combattants et mémoire, auprès du ministre de la Défense : Jean-Marc Todeschini ;
  • Formation professionnelle et apprentissage, auprès de la ministre du Travail : Clotilde Valter ;

Stop! Avez-vous suivi l’évolution de la formation professionnelle? La destruction en règle des outils de la formation profesionnelle depuis 4 ans? Moi oui!

  • Collectivités territoriales, auprès du ministre de l’aménagement du territoire : Estelle Grelier ;
  • Commerce, artisanat, consommation et économie sociale et solidaire, auprès du ministre de l’Économie : Martine Pinville ;

Voilà! Le Ministère du Commerce et de l’industrie est devenu le Secrétariat d’Etat au Commerce, à l’Artisanat, à la consommation et à l’économie solidaire… Grandiose! On, sent le « grand projet » pour la France.

  • Numérique, auprès du ministre de l’Économie : Axelle Lemaire ;
  • Ville, auprès du ministre de la Ville : Hélène Geoffroy ;

Stop ! Avez-vous trouvé la différence entre le Sec. d’Etat à la Ville et celui aux Collectivités Teritoriales?

  • Sports, auprès du ministre de la Ville : Thierry Braillard.

Une gigantesque farce? Tous les commentateurs de ce remaniement considèrent que Hollande a « fait du Hollande »: Donner l’impression à son extrême gauche qu’il leur redonne la parole, tout en conservant ses choix incertains pour se préserver l’avenir. On sait tous commence celà va finir! en une faillite monumentale. D’autant plus cataclysmique qu’il y met l’essentiel de son temps de cerveau!

C’est à se demander s’il ne faut pas considérer son comportement comme de la trahison économique. Un geste de terrorisme intellectuel qui tue la France aussi sûrement que ne l’ont fait les terroristes armés. Et s’il ne conviendrait pas d’appliquer la déchéance de nationalité à ce président par défaut qui a été élu par la grâce de la trahison des centristes… Et si l’on étendait la déchéance de nationalité à François Bayrou? Les deux François au pilori, tomatés en place publique!

2Kismokton? Comme toujours, de vous, de moi, de la France.

Réflexions sur la constitutionnalisation de l’Etat d’Urgence

GyrophareRéflexions sur la constitutionnalisation de l’Etat d’Urgence

Fog of War : Dans le brouillard des attentats du 13 novembre 2015, j’ai soulevé des questions sur la politique de sécurité de la France. Après avoir conspué le Gouvernement sur son amateurisme affiché en matière de sécurité, m’être interrogé sur la question de savoir si nous étions encore gouvernés, J’écrivais en Décembre mon inquiétude mais ma certitude face à la nécessité de décréter l’Etat d’Urgence (Etat d’Urgence ou Abus de Droit).

Depuis cet article, je n’ai pas eu le temps de revenir sur la situation, qui a évolué à une vitesse exceptionnelle. Ainsi, l’Etat d’Urgence s’est-il installé de manière évidente, le législateur l’ayant renouvelé pour 3 mois et manifestant clairement son intention de le maintenir.

Institutionalisation de l’Etat d’Urgence : A présent, l’Etat d’Urgence est en voie de s’institutionnaliser et de se constitutionnaliser. La proposition de loi du Gouvernement Valls sur l’Etat d’Urgence (loi dite de Protection de la Nation), qui a forcé le départ de Mme Taubira, est symptomatique de cette situation où les partis réputés démocratiques ont du mal à comprendre les enjeux réels qui se posent à la France.

En effet, le projet de Loi adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale à l’issue d’un vote où les deux-tiers des députés ont préféré s’abstenir, est symptomatique du conflit entre la nécessité de défendre les libertés publiques et celle tout aussi forte de protéger la population civile et de donner au Gouvernement des moyens de lutte rapides et efficaces (perquisitions administratives, assignation à résidence…).

Pourtant il est envigeageable que ce projet de réforme constitutionnelle ne soit en définitive jamais adopté, tant la méthode employée par Hollande et son gouvernement est inadaptée.

Explication:

Un débat parlementaire tronqué: Le version finale du texte adopté, à 1h du matin, sur l’Etat d’Urgence, l’a été sans débats suffisants, sur la base d’un amendement gouvernemental rajouté après cloture du vote du texte de l’article 1, alors que la majorité des intervenants reconnaissait que cette nouvelle version imposée par le Gouvernement était déplorable en termes de préservation des droits et des libertés publiques.

Affaiblissement du contrôle parlementaire : Ainsi, alors qu’il est prévu que le Parlement se réunisse de plein droit et qu’il ait un contrôle permanent sur l’Etat d’Urgence, il lui a été retiré la possibilité de voter la censure du gouvernement, alors même que le gouvernement conserve le pouvoir dissoudre le parlement!

Cette situation est ubuesque et abérrante. Et l’on tremble à l’idée d’envisager l’usage que pourrait faire un gouvernement non-républicain, ayant des idées liberticides, d’un tel pouvoir. Décrêter l’Etat d’Urgence et ne jamais pouvoir être censuré par l’Assemblée Nationale. Autrement dit, ne plus avoir de comptes à rendre, tout en conservant l’apparence de la constitutionalité et donc du respect de la loi!

LE texte adopté en première lecture est donc celui-ci:

Après l’article 36 de la Constitution, il est inséré un article 36-1 ainsi rédigé :

« Art. 36-1. – L’état d’urgence est décrété en Conseil des ministres, sur tout ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.

« La loi fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre pour prévenir ce péril ou faire face à ces événements.

« Pendant toute la durée de l’état d’urgence, le Parlement se réunit de plein droit.

« L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. Les règlements des assemblées prévoient les conditions dans lesquelles le Parlement contrôle la mise en œuvre de l’état d’urgence.

« La prorogation de l’état d’urgence au delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Celle-ci en fixe la durée, qui ne peut excéder quatre mois. Cette prorogation peut être renouvelée dans les mêmes conditions. »

 

Un droit « Flou » : Autre critique de cette constitutionalisation de l’Etat d’Urgence: les conditions de déclenchement sont floues: un « Péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public », ou un « événement entraînant une calamité publique ».

En effet, le péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public n’est pas défini ni codifié dans la loi constitutionnelle. Or, l’Etat d’Urgence n’est pas déclenché par un « vote », ni par une constatation objective, mais par une décision gouvernementale décidée en Conseil des Ministres. Le seul contrôle possible serait, en référé, celui de la suspension-annulation du décret instaurant l’Etat d’Urgence, devant le Conseil d’Etat.

Mais quel serait le critère de contrôle du Conseil d’Etat?

La loi constitutionnelle attribuerait en effet un pouvoir discrétionnaire au Gouvernement pour décréter ou ne pas décréter l’Etat d’Urgence. Le seul contrôle serait celui du déclencheur, la situation du péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, ou de la calamité publique.

Que serait un « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public »? Ce critère n’est pas défini. Il est soumis à la sensibilité du Gouvernement, qui pourra y voir, au choix:

  • une situation de guerilla terroriste armée dans Paris,
  • une manifestation violente,
  • une situation insurrectionnelle contre l’ouverture d’un aéroport régional,
  • une situation de multiplication de fusillades dans la ville de Marseille,
  • le blocage d’infrastructures portuaires ou ferroviaires par des grévistes (Marseille) ou des étrangers en situation irrégulière (Calais),

Comme on le voit, la faiblesse de la définition permet de passer de la défense contre le terrorisme (armée ennemie de l’intérieur) à des situations de crime organisé, ou plus simplement à des revendications catégorielles.

Rappelons que des manifestations ont déjà été interdites à Paris pour des raisons d’ordre public. Notamment parce que la sécurité des manifestants n’était pas garantie. Quel sera désormais le droit opposable garanti aux opposants politiques ou aux revendications catégorielles légitimes? Il est légitime de craindre qu’un mauvais gouvernement, soucieux d’imposer ses vues par la force, fasse interdire toute expression dissidente. Laquelle expression dissidente sera, de fait, un trouble à l’ordre public. Mais la résistance à l’opression est, par définition, un trouble à l’ordre public. Ainsi, le seul critère du trouble à l’ordre public est-il insuffisant pour valider le recours à l’Etat d’urgence. Toute expression publique porte en elle une capacité de trouble à l’ordre public. Il faut impérativement que la loi constitutionnelle règle le curseur de la gravité de l’atteinte à l’ordre public.

Quand à l’imminense du péril, là encore, le critère reste flou, et permet de nombreuses interprétations extensives. Le péril imminent resulte-t’il d’une déclaration d’un opposant ou d’un acte concret constaté? La simple existence d’ennemis radicaux qui manifestent leur volonté de détruire la France suffit-elle à justifier la notion de péril imminent? On est frappé de voir à quel point ce rédactionnel est différent de celui utilisé pour la légitime défense (péril actuel). L’imminence du péril s’oppose à son caractère actuel.

Deuxième critère alternatif, l’événement créant une calamité publique. Là on approche d’une situation objective. Si ce n’est que la calamité publique peut être ressentie de plusieurs manières selon les gouvernements:

  • l’afflux massif d’immigrés
  • un accident ferroviaire ou aérien important
  • une catastrophe naturelle, touchant une population importante,
  • une vague d’attentats

La calamité publique n’étant pas définie, elle peut être de nature « sanglante », (mort d’hommes), ou économique. (crise de la vache folle, fermeture des centres d’approvisionnement en pétrole, …).

Faut-il vraiment donner les pleins pouvoirs à un gouvernement mal intentionné, sur la base de critères aussi flous? Je ne le pense pas. Je pense au rebours que le droit actuel peut suffir, sous réserve de légères améliorations pour assurer une effectivité des pouvoirs de police administrative ou judiciaire. Je pense qu’il est possible d’attribuer au Gouvernement des moyens d’action renforcés, sans pour autant tomber dans le risque de l’Etat d’Urgence. Mon article suivant l’explique.

Je pense surtout qu’il ne faut pas constitutionnaliser des droits ambigües et floues, qui pourraient être dévoyés à la première occasion par un gouvernement pétri de mauvaises intentions.

Mais en définitive, s’il faut vraiment constitutionnaliser ces droits, alors il est indispensable d’adopter une rédaction très stricte, éliminant toute ambiguïté, et prévoyant avec une précision milimétrée le périmètre d’intervention de l’Etat d’Urgence.

Afin que jamais plus l’Etat ne puisse se moquer de nos droits. De nous.

Ariel DAHAN
Pour 2Kismokton