Loi Organique sur l’élection du Président et Identité Numérique forte

Droit électoral : report de l’identifiant numérique pour les députés et sénateurs

La France est victime d’un syndrome de déclassement à tous les niveaux : Disponibilité des masques, mensonge des ministres, disponibilité des vaccins, formation des étudiants en médecine… On en avait presque pris l’habitude. Après tout, qui s’intéresse aux sans-noms? aux étudiants? aux citoyens?

Fronton du Conseil Constitutionnel

Fronton du Conseil Constitutionnel

 

Mais voilà une nouvelle couche de déclassement pour les constitutionnalistes… : La France n’applique plus ses propres lois constitutionnelles. Suis-je le seul à trouver cette disposition indigne d’un pays moderne ?

Explication: Le projet de Loi Organique relative à l’Election Présidentielle, qui est établi à chaque législature, contient une disposition qui me chagrine dans la version glissée à la sauvette le 21 décembre 2020… Le report à 2027 de la possibilité de communiquer les parrainages par voie électronique, possibilité mise en place par le législateur en 2016. La raison donnée? l’absence d’identité numérique de niveau élevé.

Donc les avocats et les magistrats se sont vu imposer un identifiant numérique de niveau élevé qui leur permet de correspondre de manière sécurisée.

Les experts-comptables, les notaires, les associations de gestion agréée … se sont vu imposer un identifiant numérique de niveau élevé qui leur permet de correspondre avec les services fiscaux de manière sécurisée.

Mais les députés et sénateurs ne disposeraient pas d’une telle clef de cryptage? Ils ne pourraient pas correspondre avec le Conseil Constitutionnel en utilisant une identité numérique forte?

 » Le 1° de l’article 2 prévoit une entrée en vigueur différée de la possibilité de transmettre au Conseil constitutionnel les parrainages par voie électronique. Cette faculté a été intégrée en 2016 par voie d’amendement. L’absence d’identité numérique de niveau élevé, seul dispositif de nature à sécuriser la transmission dématérialisée des parrainages, impose de reporter, au plus tard à 2027, soit à la prochaine élection présidentielle, l’entrée en vigueur de ce dispositif. « 

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3713_projet-loi.pdf

2kismokton!

Marisole Tourraine censurée par le Conseil Constitutionnel. Encore un effort!

Conseil ConstitutionnelLa Loi dite « de modernisation de notre système de santé » a été censurée par le Conseil Constitutionnel, Décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016. La censure porte sur certains de ses éléments les plus emblématiques. Cependant le Conseil valide d’autres éléments plus nocifs… simplement parce qu’ils ne sont pas contraires à la constitution…

Explication!

Le Conseil Constitutionnel censure quatre dispositions majeures: l’interdiction du tabac aromatisé, et l’extension du 1/3 payant obligatoire aux remboursements effectués par les mutuelles et assurances complémentaires au régime obligatoire de sécurité sociale.

Il a cependant validé les salles de Shoot et l’IVG sans délai de réflexion…

Le tabac aromatisé : Le retour de la primauté du droit européen (article 22 §2 de la loi)

Première disposition de la loi contrôlée par le Conseil Constitutionnel, l’interdiction de commercialiser, distribuer, offrir ou promouvoir le tabac aromatisé. Le motif retenu par le Conseil Constitutionnel est que la Loi transpose la directive 2014/40/UE qui impose l’interdiction du tabac aromatisé à partir du 20 mai 2020. Le Conseil Constitutionnel censure le fait que la loi anticipe l’interdiction de 5 ans, en mettant l’interdiction en vigueur à partir du 20 mai 2016. Il s’agit ainsi d’une pure violation du droit européen, lequel s’impose au législateur et a une portée supérieure au droit constitutionnel.

En revanche, le paquet de cigarette neutre est validé. Le Conseil Constitutionnel n’y trouve aucune atteinte aux droits des débitants de tabac.

Salles de Shoot : Le Conseil constitutionnel valide tout le dispositif (mais toujours pas de salles de baise!) – art. 43 et s. de la loi

La censure était demandée à l’encontre de l’ensemble du dispositif. Le Conseil Constitutionnel considère qu’il n’y a pas de rupture de l’égalité des droits au regard de l’interdiction de fournir des produits stupéfiants, et la non-soumission de ces salles aux dispositions des établissements sociaux ou médico-sociaux du Code de l’action sociale et des familles.

Le Conseil constitutionnel considère que le législateur peut autoriser des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi pourvu que l’objet de l’expérimentation et ses conditions soient suffisamment précises. En l’occurence, la loi a limité l’expérimentation à six ans à compter de la date d’ouverture de la première « salle de consommation à moindre risque » au sein d’un des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de drogues. Cette limitation est donc la condition nécessaire et suffisante pour valider l’expérimentation.

De même, l’immunité pénale créée pour les usagers/consommateurs des salles de shoot et des soignants/aidants n’a pas été jugée contraire à la constitution, en raison de la définition limitative des situations d’immunités accordées, de sorte que la loi ne porte atteinte ni au principe d’égalité devant la loi pénale ni au principe de légalité des délits et des peines ;

IVG : Disparition du délai de réflexion (mais maintien du délai de rétractation pour le droit de la consommation! Va comprendre) – Art. 82 de la loi

Le Conseil constitutionnel valide la disparition du délai de réflexion en matière d’IVG, simplement parce qu’il n’existe pas de principe de délai de réflexion dans la constitution!!! Il observe toutefois, pour se « disculper », conscient de la faiblesse de sa motivation, que la candidate à l’IVG a déjà manifesté son intention à deux reprises, dès lors que l’article L. 2212-5 du code de la santé publique modifié par l’article 82 contesté fait obstacle à ce que la demande d’interruption de grossesse et sa confirmation écrite interviennent au cours d’une seule et même consultation;

Il faudra donc être vigilant quand à la modification future de cet article… dernier rempart de réflexion en la matière.

Tiers Payant Généralisé : Censure partielle – art.83 de la loi

Le Conseil Constitutionnel juge que l’extension du régime de tiers payant généralisé aux remboursements des assurances et mutuelles complémentaires n’apporte pas les garanties équivalentes à celles posées pour le régime obligatoire de la sécurité sociale. Notamment, en ce que l’obligation de remboursement imposée à ces entreprises privées ne comporte pas de garanties de délais et de paiement.

En revanche, le principe du libre choix du praticien et du moyen de paiement n’ont pas été jugés critiquables…

Voilà! Voilà!
Comment dire… Cette décision me laisse un arrière-goût amère. Ainsi, on peut donc se shooter et fûmer du tabac arômatisé. Mais toujours pas de salle de baise, alors que la prostitution n’est pas illégale en soi.
Et on peut avorter sans délai de réflexion alors qu’on ne peut pas souscrire un crédit sans attendre un délai de 8 jours!!!
Qui peut comprendre ça?

2kismokton!

Ariel DAHAN

 

 

Voir aussi mon analyse sur les salles de shoot lors de l’adoption de la loi:

Lois de finance : Les autres violations constitutionnelles

Lois de finance : les autres violations constitutionnelles

La même loi de finance pour 2013 a été soumise au contrôle constitutionnel pour violation de plusieurs autres principes constitutionnels essentiels:

II Principe de Sincérité de la loi de finance:

Les sénateurs, dans le recours contre la loi de finance pour 2013, invoquent le fait que le gouvernement, dans son projet de loi de finance, ne tire pas les conséquences de sa propre politique économique, et notamment du « Pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi » inséré dans la loi de finance rectificative pour 2012, disposition qui va modifier les engagements économiques de sa politique économique, et donc potentiellement l’équilibre budgétaire de l’exercice 2013.

L’article 32 de la loi organique du 1er août 2001, qui fixe la norme d’édiction des lois de finance, dispose en effet:

« Les lois de finances présentent de façon sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat.»

Cependant, le Conseil Constitutionnel rappel que le même article 32 continue par:

«Leur sincérité s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler »

Nouvelle interprétation : Le Conseil Constitutionnel en tire une nouvelle interprétation du principe, qui est « l’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre » déterminé par la loi de finances proposée.

Dans les faits, le Conseil Constitutionnel considère ne pas avoir d’éléments permettant de penser que

les hypothèses économiques sur lesquelles est fondée la loi de finances soient entachées  d’une intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre de la loi déférée ;

L’affirmation est osée. Comment déterminer l’intention de « fausser » l’équilibre budgétaire à la seule lecture de mesures dont aucun économiste ne peut aujourd’hui calculer la portée. Notamment s’agissant de la disposition portant sur le Crédit d’impôt pour les entreprises, dont personne ne sait à ce jour quel sera le coût réel, qui ne pourra se décider qu’en fin d’exercice!

Exonération : Mais cette décision crée une très fâcheuse exonération au principe de sincérité: Si le principe de sincérité est maintenu, la méthode d’analyse de ce principe de sincérité mérite débat: en rajoutant à un principe formel (la sincérité des comptes est une notion comptable technique) une notion intentionnelle, le Conseil Constitutionnel a radicalement limité la porté du principe de sincérité. Ce, d’autant plus que la sincérité du gouvernement s’apprécie au jours de la saisine, donc sur la base du projet de loi et des estimations budgétaires volontaristes du gouvernement. Au doigt mouillé, avec une marge d’incertitude bien confortable.

Surtout, le Conseil Constitutionnel participe à une sorte de déni de justice constitutionnel, en adoptant le considérant suivant:

« qu’en tout état de cause, si l’évolution des charges ou des ressources était telle qu’elle modifierait les grandes lignes de l’équilibre budgétaire, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative ; »

Le beau raisonnement que voilà! Saisi de la violation du principe de sincérité, et après avoir décidé d’ajouter au principe de sincérité comptable une notion intentionnelle, le Conseil constitutionnel y rajoute également un correctif final : en définitive, si les comptes n’étaient pas suffisamment sincères pour tenir l’exercice, le gouvernement devrait finalement soumettre au Parlement un projet de loi de finance rectificative!

Manière polie de dire que le Gouvernement ne tiendra pas son budget. Manière courtoise de dire que le Conseil Constitutionnel a couvert une légère écorne au principe de sincérité… On se demande bien comment le principe de sincérité pourrait alors être jamais violé, puisque par hypothèse, le Gouvernement essaye de présenter un projet en équilibre budgétaire!

2kismokton? Des principes, chef! Des principes!

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Loi de finance : les violations constitutionnelles … et le débat parlementaire

Loi de finance: les violations constitutionnelles … et le débat parlementaire.

Le Conseil Constitutionnel a rendu ses décisions concernant les deux saisines opérées contre les lois de finance rectificatives pour 2012 et pour 2013. Ces décisions méritent un commentaire, tant les violations de la loi sont importantes, sur le principe.

I : La Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012

Cette loi avait été adoptée selon un processus qui avait manifesté une volonté farouche de la majorité de passer outre le débat parlementaire. En effet, pour éviter les débats susceptibles d’être sucités par l’opposition (UMP) sur les textes présentés, et après que l’Assemblée Nationale en ait adopté le texte en première lecture, la majorité socialiste du Sénat a décidé de le rejeter en bloc, avant tout débat, ce qui a eu pour effet de renvoyer le texte immédiatement au vote de l’Assemblée Nationale, privant ainsi les sénateurs UMP de leur droit d’amendement, et surtout de leur droit de débat au nom du peuple français.

Ce comportement avait heurté plus d’un démocrate. Il aurait été honni dans tout autre pays que la France, ou certaines démocraties « populaires » exotiques. IL relève d’une maîtrise stalinienne du débat public. C’est une honte que la majorité socialiste de François Hollande et Jean-Marc Ayrault devra supporter pendant longtemps et qui lui restera attachée pour toute sa législature!

Les sénateurs frustrés de leur droit de débat, et privés de leur mandat de représentation nationale, au nom du peuple français, ont saisi le Conseil Constitutionnel.

Làs, le Conseil Constitutionnel n’a pas osé aller trop loin dans la censure du législateur. Revendiquant le détournement de procédure mis en oeuvre par la majorité dans la mesure où l’opposition n’avait manifesté aucune volonté d’obstruction lors de l’exame du projet, , les sénateurs font valoir l’entrave au débat démocratique, l’entrave au fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels et l’entrave au droit d’amendement, garanti par l’article 44 de la Constitution de 1958.

Dans les faits, si l’Assemblée Nationale était parvenue à un vote majoritaire sur le projet de loi de finance pour 2013, dès le 20 novembre 2012, le Sénat avait rejeté la première partie du projet le 28 novembre, ce qui empêchait la discussion de la seconde partie du projet (souvent la plus intéressante des lois de finance). Une commission mixte paritaire a échoué, le 6 décembre, à proposer un texte de consensus. De sorte que le 14 décembre, l’Assemblée Nationale a adopté le projet en nouvelle lecture.

Renvoyé au Sénat pour vote conforme, le président du groupe Socialiste (majoritaire) a soulevé le 18 décembre la « question préalable » à la la délibération du projet de loi de telle sorte que l’ensemble des sénateurs comprennent que l’objectif était d’accélérer la procédure d’adoption du texte par le Parlement, plutôt que de s’opposer au texte qui lui était soumis. En effet, le groupe socialiste tirait les conséquences du rejet du projet en 1ère lecture, et de l’absence de majorité requise pour l’adoption du projet de loi.

L’adoption de la question préalable a permis au Gouvernement de s’adresser directement à l’Assemblée Nationale, (art. 45 al.4 Constitution 1958) de statuer définitivement. Le projet de loi était ainsi adopté le 20 décembre 2012.

– SUR LA PROCÉDURE D’ADOPTION DE L’ENSEMBLE DE LA LOI :

Le Conseil Constitutionnel a rappelé, dans sa décision, que

« …le bon déroulement du débat démocratique et le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels, supposent que soit pleinement respecté le droit d’amendement conféré aux parlementaires par l’article 44 de la Constitution et que parlementaires comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins ; »

Ce rappel du principe constitutionnel marque la volonté de la haute juridiction de faire de sa décision une jurisprudence. Mais comme c’est l’habitude tant en Cassation que devant le Conseil Constitutionnel, les principes jurisprudentiels sont toujours créés à reculon, en posant le principe et en s’empressant de reconnaître que, dans les faits, le principe n’a pas été violé.

Limites : Le Conseil Constitutionne, manifestement troublé par son audace, (ce n’est pas tous les jours qu’on accuse un gouvernement élu de bafouer les principes de la démocratie, et de faire entrave au débat démocratique, en bref d’être despotique) pose immédiatement après ce principe une limite, qui est celle de l’abus de droit:

« Considérant que cette double exigence implique qu’il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits ; »

En définitive, la décision du Conseil Constitutionnel apparaît purement factuelle :

« Dans les conditions où elle est intervenue, l’adoption de la question préalable lors de l’examen du projet de loi en nouvelle lecture au Sénat n’entache pas d’inconstitutionnalité la loi déférée ; »

Soit!

Reconnaissance de culpabilité : Ainsi, le Conseil Constitutionnel reconnaît que la majorité dirigeante a détourné un pouvoir constitutionnel à des fins autres que celles prévues par la constitution (le blocage institutionnel), mais considère que, dans les faits, ce comportement (la question préalable destinée à courcircuiter le débat sénatorial) n’a pas violé le processus constitutionnel de vote de la Loi de Finance pour 2013! Après le « Responsable mais pas coupable » d’un précédent gouvernement de gauche, voici le « Coupable mais pas responsable » attribué au Gouvernement Ayrault !

2kismokton?

Que l’on est loin du principe posé! Que nous sommes loin du principe de l’indépendance des pouvoirs exécutif et législatif!

Dans d’autres pays, le débat fiscal est tel qu’il met en danger politique le président des Etats Unis nouvellement réélu, ou la majorité sénatoriale en poste.
Au Royaume Uni, la démocratie s’est obtenue au travers du vote du budget et de l’impôt.
Mais en France, la démocratie est soluble dans la fiscalité! L’intérêt général des finances publiques prime sur les principes de démocratie et d’indépendance des pouvoirs.

On peut – on doit – regretter la prudence du Conseil Constutionnel. Il faut parfois conspuer les juges lorsqu’ils bafouent les droits des citoyens – dont le droit de débattre du budget et de la loi fiscale, bref de débattre de l’impôt. En 1789, l’impôt était déjà l’un des motifs de la révolution. Faudra-t’il une nouvelle révolution?

Le seul point positif que je retiens de cette décision tient au fait que le Conseil Constitutionnel a définitivement rappelé le principe:

« Le bon déroulement du débat démocratique et le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels, supposent que soit pleinement respecté le droit d’amendement conféré aux parlementaires par l’article 44 de la Constitution et que parlementaires comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins ; »

Beau principe, rappelé dans un arrêt qui fera jurisprudence, et qui trouvera à s’appliquer. Une prochaine fois. Peut-être…

2kismokton? Devinez!

A suivre : II : Les autres violations constitutionnelles