Art – quand la commande publique cherche la controverse

Christmass Tree de Paul McCarthy, photographie de OMG http://www.omgblog.com/2014/10/omg_artist_paul_mccarthy_erect.php

Christmass Tree de Paul McCarthy, photographie de OMG http://www.omgblog.com/2014/10/omg_artist_paul_mccarthy_erect.php

La politique publique en matière d’art contemporain joue régulièrement avec la controverse scatologique. Un observateur extérieur pourrait croire que le critère essentiel de la commande publique d’art contemporain est devenu sa capacité de subversivité – subversivité sexuelle, scatologique, mémorielle – tout est bon pour bousculer le bourgeois, du moment que la subversivité vient du côté gauche de l’échiquier. Car n’en doutez pas, une commande publique de droite qui présenterait un caractère subversif pro bon-ton serait très certainement plus honnie que ne l’est aujourd’hui la commande publique subversive de gauche.

Le « Green Tree » de Paul McCarthy en est un exemple très actuel, et la polémique qui s’en est suivie, (coups donnés à l’artiste, dégonflage de son oeuvre) symptomatique d’une société déchirée.

A l’occasion de la FIAC et concomittament aux travaux d’embellissement de Paris pour les décorations de Noël, la Ville de Paris a autorisé l’installation sur la Place Vendôme, à un artiste connu pour sa philosophie subversive sexuelle et scatologique, d’un « sapin de noël » revisité.

Le projet s’appelle « Green Tree », arbre vert.

Il consiste en une bâche vert-sapin glonflée, qui prends une forme tronconique, pointue, qui pourrait faire penser à un Sapin de Noël dessiné par un ivrogne au gros marqueur vert. On n’est pas dans la finesse du trait. On est très loin aussi du « Tannenbaum »…

Une commande publique immonde de plus me dirriez-vous, tant nous sommes habitués au gachis de la commande publique en matière artistique. Mais précisément, depuis Jack Lang, plus l’art est laid, et plus il est artistique. Il faut l’accepter. La FIAC fait son beurre sur cette ambiguïté visuelle qui consiste à tordre le nez du bourgeois pour lui faire acheter ce qu’il trouve le plus immonde. Effort commercial remarquable.

Mais en matière de commande publique, depuis les Colonnes de Burren, on ne peut plus s’étonner de rien… Alors un Sapin Glonflable… Pourquoi pas? On a vu plus con!

Regard subversif : Mais c’est que précisément, un regard un peu plus instruit sur l’objet éclaire d’un jour nouveau la réalité subversive de ce projet. Loin d’être un Sapin de Noël, dont il n’a aucune des proportions aletières, il ressemble à s’y méprendre à un objet que seuls certains d’entre nous connaissent ; le « plug annal », sex-toy d’auto-satisfaction annale, qu’on peut trouver dans tous les bons sites de vente de produits du même genre.

La comparaison des photographies est édifiante… Mêmes proportions, même forme symbolique dédiée à l’élargissement progressif…

PlugAnnalSexToy

Faut-il vraiment accepter du denier public qu’il joue avec les nerfs du public? Certes non. Je n’aurais rien eu à dire si nous avions eu affaire à une commande privée. Mais la FIAC est une Foire Internationale, qui conserve une part importante d’aspect public. Et surtout, l’« oeuvre » était exposée sur la Place Vendôme. Symbole de notre Justice et de notre Luxe. Un beau bras d’honneur à nos symboles en réalité… !

Entendons nous bien:

Sex-Toys: Je n’ai rien contre les sextoys. Certains de mes amis en vendent. D’autres y ont recours. C’est très bien. Et je n’ai rien de public contre Mc Carthy. Certains de mes amis adorrent. D’autres détestent et c’est aussi bien. Mais je refuse qu’on m’impose une oeuvre d’art volontairement subversive, en dévoyant la symbolique familliale du Sapin de Noël.

Violence sur artistes: Je condamne également les violences faites sur l’artiste, qui n’est que dans son rôle d’artiste. Le responsable de cette oeuvre n’est pas tant l’artiste lui-même que son commanditaire, commande publique, la FIAC, ou la Ville de Paris, qui a autorisé son installation en place publique!

Destruction d’oeuvres : Je condamne tout autant les autodafés imposés, et les destructions d’oeuvres d’art (encore qu’en l’occurence, c’est plus un sabotage du système de gonflage que la destruction de l’oeuvre en elle-même). La liberté de parole passe par la liberté d’expression artistique. Il ne faut pas confondre « commande publique » avec « art public ».

La commande publique, il y a encore un siècle, était une commande inspirée, qui élevait le spectateur. Elle visait à démontrer un but politique. Elle appuyait le pouvoir dominant par l’idée qu’elle en donnait (faste, vertu, force… selon les époques). Des fresques monumentales agiographiques aux pièces de théatre, la commande publique a créé la France glorieuse de Louis XIV. Elle a assis la France révolutionnaire, tout comme la France impériale. On peut considérer la commande publique comme « pompeuse », convenue ou « officielle ». C’est précisément son rôle : elle stimule la concurrence et permet à des auteurs de présenter des chefs d’oeuvre qui n’auraient pas eu leur chance s’il ne s’était agit que de la commande privée.  Ergo – la commande publique doit suivre la logique de sa politique gouvernementale.

Quelle logique politique s’induit d’un plug annal? La dilatation annale, avec ou sans joie solitaire, et rien d’autre. Volonté inconsciente de nos ministres de nous montrer jusqu’à quelles extrémités fiscales nous devons nous préparer?

Tas de merde géante offert par McCarthy à Hong-Kong. Alors, heureux?

Tas de merde géante offert par McCarthy à Hong-Kong. Alors, heureux?

Enfin, dans notre malheur, nous avons évité le pire : le tas de merde signé du même Mc Carthy…

Alors ! Heureuse ?

La connerie de nos ministres est sans borne. La capacité subversive des artistes également.

 

Ariel DAHAN,

2kismokton