Expulsion de Léonarda – et si c’était le Lycée le fautif?

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Et si c’était le Lycée le fautif?

Hystérie collective? On ne peut pas échapper au fait-divers de la semaine : l’expulsion de la jeune fille d’origine prétendument Kosovar avec sa famille, en début de semaine.

Une émotion inouïe a assailli la classe politique de gauche en son ensemble, alors que les expulsions d’étrangers, avec femme, enfants et bagages, se déroulent depuis Chevènement sans qu’aucune bonne âme de gauche ne s’en soit émue.

Hypocrisie ou prise de conscience tardive? Quelle est la raison de cette prise de conscience brutale du peuple de gauche? Tout semble incriminer les circonstances, et non la décision en elle-même. Les modalités et non le fondement.

Interrogeons-nous alors sur ces deux questions : le fondement de l’expulsion de la famille de Léonarda, et ses modalités.

Fondement légal de l’expulsion de cette famille:

Une famille comme les autres. Comme toutes les autres familles expulsées, quelle que soit leur nationalité ou origine ethnique, cette famille s’est retrouvée à en France sans droits à délivrance d’un titre de séjour. Des étrangers en situation irrégulière.

Ils sont certainement entrés régulièrement, ou peu s’en faut. Ils ont sollicité la reconnaissance d’un statut particulier, celui du droit d’asile, en raison de leur appartenance réelle ou supposée à la minorité ethnique « Rom », minorité maltraitée dans son pays d’origine (Serbie/Kosovo).
On apprends aujourd’hui, d’une interview donnée par le père, depuis le Kosovo, que seul le père était kosovar, ses enfants et sa femme étant vraisemblablement de nationalité italienne, ce qui est particulièrement confondant, puisqu’ils auraient pu se maintenir en France en application de la règle communautaire du libre établissement et de la libre circulation des personnes dans l’Union Européenne!

La voie étroite du statut de réfugié. Le statut de réfugié leur a été refusé comme à de nombreuses autres familles. Ils ont épuisé les voies de recours pour faire reconnaître leur droit à délivrance d’un titre de séjour.
En dépit de toute la générosité que la France peut accorder aux demandeurs d’asile, ce statut étant chichement accordé, à la fin les étrangers se retrouvent dans la situation typique de l’étranger vivant en France sans titre de séjour – un étranger en situation irrégulière.
De ceux dont Emmanuel Valls indique qu’ils n’ont pas vocation à rester en France. Et pour cause puisque des décisions juridictionnelles (justice administrative) ont ordonné leur expulsion de France, en application des textes relevant du statut des étrangers – Ordonnance de 1945 modifiée tous les ans, et devenue Code de l’entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d’asile – Ceseda.

Ce Code, que je vous invite à lire au lien ci-dessus, est une loi de la République française. Du droit positif, qui est appliqué tous les jours dans toutes les préfectures. Au titre de ce Code, on délivre régulièrement, selon une procédure relativement simple, des titres de séjour à de nouveaux immigrants. Et le Ministre de l’Intérieur a édicté une circulaire en Novembre 2012, dans les mois de son entrée en fonction, relative à la régularisation des étrangers. Circulaire qui édicte des critères de régularisation minimum.

En définitive, lorsque ni les critères de la Loi ni ceux plus généreux de la Circulaire ne sont applicables, il ne reste plus que le libre-arbitre du Préfet, qui peut toujours régulariser par soucis humanitaire.

Réalité de l’humanisme préfectoral et administratif : Précisons tout de suite que j’ai vu des Tribunaux ordonner l’expulsion de mères enceinte de 9 mois, de mères parturientes, de mères portant des nourrissons de quelques jours! Autant vous dire que techniquement, l’expulsion d’une famille composée d’un père, d’une mère et de deux jeunes filles adolescentes ne pose pas de difficulté majeure en droit.

Séparer les familles? La vrai question étant de savoir s’il est possible d’expulser les parents sans expulser les enfants. De savoir s’il est possible de séparer les familles, pour maintenir l’enfant dans son cadre scolaire. Deux principes se combattent alors. Deux intérêts divergent: l’intérêt de l’enfant, qui peut justifier un maintien en France, dans des conditions très dégradées, pour continuer sa scolarité. Et l’intérêt de la famille en général, les parents pouvant refuser de se séparer de leurs enfants. Or, seul ce dernier intérêt est protégé par la Constitution : le droit à vivre une vie familiale. Les tribunaux considérants que ce droit peut s’exercer hors de France si la famille y est réunie!

Précisons également que Léonarda, intérrogée sur la possibilité de revenir en France pour ses études, seule, a répondu qu’elle le refusait. Elle ne souhaite pas être séparée de sa famille.

D’où la nécessité d’expulser, en définitive, la famille en son ensemble.

Modalités d’exécution:

C’est là que l’on s’interroge sur les modalités de cette expulsion : la mise en œuvre du droit! Et l’application, toujours nécessaire, de la contrainte policière pour faire exécuter les décisions privatives de liberté.

Père violent. Dans les faits, aux dires du Maire, il semble que le père menaçait d’adopter un comportement violent pour lui et les siens, ce qui a motivé qu’il ait été éloigné par les services de police, quelques jours avant le départ de la famille. L’interview de Léonarda le désigne comme un père l’ayant battue au moins deux fois…

Le jour prévu pour le départ de la famille, la jeune Léonarda n’était pas présente au foyer familial. Elle était allée dormir chez son amie. Il fallait bien que la famille soit regroupée D’où l’envoi d’une brigade de police au Lycée, et en suites auprès du bus affrété par le lycée, pour en retirer la jeune fille fugace. La situation eut été tout aussi affligeante si les policiers étaient allés la chercher au lycée.

Quelle était l’urgence? On peut légitimement se demander si la mise en œuvre de la décision d’expulsion avait ce degré d’urgence qu’elle ne puisse être différée de quelques jours, pour arriver pendant le temps des vacances scolaires. Mais ce débat n’a de sens qu’à la condition de savoir comment la famille a été défendue, et si elle avait la possibilité de relancer une nouvelle procédure, en dépit des décisions négatives déjà obtenues. C’est souvent le cas.

Sanctuariser les lieux d’enseignement primaire et secondaire. Mais surtout, l’on a raison de dire que la police ne doit pas « rafler » un enfant au Lycée. L’école, le collège, le lycée, tous lieux où les enfants, mineurs, sont confiés en confiance pour y être formés, doivent rester des zones où la Police ne peut intervenir que dans un cadre légal très limité, et toujours sur réquisition de l’Enseignement! L’école, le collège, le lycée doivent rester des sanctuaires pour les élèves qui y sont présents, en ce qu’une partie importante de leur temps est un temps obligatoire, et que l’autre partie est un temps de confiance.
Au demeurant, les circulaires mises en place par l’ancien gouvernement de Nicolas Sarkozy et François Fillon avaient clairement édicté des limites relativement aux zones de non-arrestation et de non-contrôle. Les écoles et lycées étaient, sous la droite, des zones de non-arrestation. Des zones sanctuarisées.

Des révolutions ont commencé en France parce que des pandores s’étaient introduits dans une université… Que dire d’un lycée?

Un enfant remis par un établissement « collaborateur »:

Si l’intervention des forces de l’ordre était disproportionnée et inadéquate en l’espèce, encore faut-il rappeler que Léonarda n’a pas été « interpellée » par les forces de police, mais qu’elle a été « remise » par l’établissement d’enseignement.

Indignation sélective? Et c’est là que je trouve la situation la plus choquante! Et que je m’étonne que personne ne réagisse! Car les parents confient la garde de leurs enfants à un établissement d’enseignement qui, pendant le temps scolaire, exerce l’autorité parentale déléguée. Cet établissement, pour ce qu’il est en charge de mineurs, est responsable devant les parents du sort de leurs enfants. Ils ne peuvent certainement pas les remettre à d’autres personnes que les parents eux-mêmes.

Une forfaiture? On comprends que le Lycée a « vendu » Léonarda aux policiers, en leur indiquant où elle se trouvait, et en acceptant de faire arrêter le bus, le Lycée a commis une forfaiture. En droit administratif il a commis une voie de fait!

Pire qu’un crime, une faute! Une honte pour l’enseignement national, qui se trouve entachée de la même honte que la Police parisienne en 1942 lors de la rafle du Vélodrome d’hiver… La honte d’avoir « collaboré » pour contribuer au malheur d’une jeune fille qui n’avait rien demandé, n’avait commis aucun délit ni aucun crime, et en tant que tel aurait pu être maintenue sur le territoire français.

Le vrai scandale, c’est cette institution peureuse et souffreteuse qu’est l’Enseignement national, qui n’a plus de structure ni de repère moral, et qui se soumet immédiatement et sans débat à la moindre marque d’autorité extérieure, alors même qu’aucune disposition légale ne lui imposait d’accéder à la requête des services de Police.

Protection des libertés individuelles et voie de fait: En France, seul l’ordre d’un juge peut contraindre un établissement astreint à certaines obligations de secret professionnel à les révéler. Mais ce jours ci, dans cet établissement, pour Léonarda, l’Education Nationale s’est couchée devant la Police Nationale. Alors qu’elle aurait dû se dresser pendant tout le temps où l’enfant lui était confié.

Telle est la vrai honte, à mon avis. Et certainement pas la mise en exécution d’une décision de justice appliquant strictement la loi de la République française.

Se rappeler que l’on fût étranger. Aimer son prochain comme soi-même… Il est bon de rappeler des principes minimums. Etre étranger ne confère pas de droits particuliers. Il peut conférer une aura particulière, et un besoin de protection. Mais pas de droits particuliers.

 

2kismokton? Ici, de l’Humanité en particulier…