Mort d’Arafat, l’enquête inutile autant qu’impossible.

Yasser Arafat est mort à l’Hôpital Militaire Percy (Clamart, France) en 2004. Les médecins avaient à l’époque conclu à un syndrome de type CIVD (coagulation intra-vasculaire disséminée, bouleversement complet des mécanismes de l’équilibre des processus physiologiques de la coagulation sanguine), avec une suspicion de Cyrhose du foi alcoolique. Rien de bien anormal pour un homme qui (outre le sang sur les mains) n’avait pas une hygiène de vie phénoménale. Mais suffisamment dérangeant (la cyrhose) pour que sa veuve refuse l’autopsie…

On aurait pu le laisser pourrir en paix, ce meurtrier sanguinaire, ce terroriste devenu chef d’Etat. Hélas, Al-Jazzeera en a décidé autrement, en inventant pour les besoins d’une cause incongrue, mais dont on devine bien le but, une nouvelle thèse de l’empoisonnement. L’empoisonnement au Polonium Po210.

En effet, il semblerait que des experts (qui?) d’un laboratoire spécialisé (lequel?) de Lausanne (ah? si pratique! Pourquoi pas Paris, où il est mort?) auraient découvert une « quantité anormale de polonium » sur les effets personnels du bonhomme.

Beaucoup de questions, que suscite cette petite phrase:

– Combien? 
    – On sait pas. Juste « anormale ».
– Où?
   – Sur les effets personnels du défunt.
– Mais ça fait 8 ans qu’il est mort. Comment ont été conservés ses précieux effets?
  – On ne sait pas. On ne nous a rien indiqué.

Autres questions, tout aussi légitimes:
– Si ces effets personnels vous ont été aportés par quelqu’un, pourquoi n’est-il pas contaminé lui aussi?
  – On n’en sait rien. On a juste examiné en 2012 des effets personnels d’une personne morte en 2004.

Mme Souha Arafat, qui s’était opposée à une autopsie qui lui avait pourtant été proposée par les autorités françaises lors du décès de son mari en 2004, fait vapeur arrière toute, et affirme vouloir porter plainte. Et l’Autorité palestinnienne a demandé au laboratoire lausanais de procéder  à des prélèvements sur les restes de Arafat.

C’est mignon cet amour pour la vérité, 8 ans après les faits! Surtout après s’être opposé à une autopsie!

Mais soyons sérieux! Le Polonium Po210 est un produit hautement radioactif.
– Il se retrouve à l’état naturel dans les produits de décomposition du Radon.
– Il se retrouve également dans la fumée de combustion du tabac. On estime notamment que 1% des cancers du poumon lui sont dus. (source Monique E. Muggli, Jon O. Ebbert, Channing Robertson, et Richard D. Hurt, « Waking a Sleeping Giant: The Tobacco Industry’s Response to the Polonium-210 Issue [archive] », American Journal of Public Health 98(9):1643-1650. )

– Sa radioactivité est tellement élevée qu’il dégage une importante chaleur (140 watts par gramme). Ainsi, selon l’Argonne National Laboratory aux États-Unis, la température d’une capsule contenant environ un demi-gramme de polonium 210 peut dépasser 500°C. Cette propriété a été utilisée pour développer des générateurs thermo-électriques légers utilisés par exemple dans le domaine spatial comme source d’énergie pour les satellites.
– C’est un produit très difficile à conserver. Il s’évapore à 50°C et perd la moitié de sa masse en 45 heures!

Enfin, sa « demi-vie » nucléaire est de 138 jours et 9 heures. Ce qui signifie qu’après ce temps, il perd la moitié de sa radioactivité.

La dose mortelle commence à 1 microgramme de Po210. Ce qui génère 1100 Becquerel. Mais 138 jours plus tard, la radioactivité à baissé à 550 Becquerel. Au bout d’un an et 1 mois , (414 jours) elle se retrouve réduite d’un coefficien 8, soit 137,5 becquerel.
Au bout de 8 ans, soit 2920 jours, on se retrouve à 21 demi-vies. Soit une division par deux de sa radioactivité 21 fois. Soit 2 à la puissance 21! (2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2x2 pour les nuls en math)
= 2.097.152 fois moins!

Au bout de 8 ans, à supposer que Yasser Arafat se soit vu apposer une charge mortelle de Polonium Po210, (1 microgramme), ce microgramme émettrait une radioactivité 2 millions de fois moindre qu’initialement.

Soit une radioactivité détectable de l’ordre de 0,00052 Becquerel! A peine 5 fois plus radioactif que de l’eau de source! Mais 50 fois moins radioactif que l’eau de mer!

Donc si les experts de Lausane ont découvert une source de polonium anormale sur les effets de feu Arafat, et qu’ils ont pu la juger « anormalement élevée », c’est nécessairement qu’elle est postérieure à son décès.

Sur le site Slate, l’évocation du dossier est bien différente. http://www.slate.fr/story/58895/yasser-arafat-mort-polonium
qui précise

L’annonce des résultats obtenus par l’Institut de radio-physique de Lausanne est donc aujourd’hui en contradiction avec les examens menés par le Service de protection radiologique des armées. On indique de bonne source que différentes analyses avaient été réalisées sur des échantillons urinaires, et avaient permis d’exclure la présence de rayonnements radioactifs de type alpha, béta ou gamma, la recherche spécifique de polonium-210 n’ayant toutefois pas été effectuée. «Compte-tenu des caractéristiques spécifiques de cet élément radioactif, il est proprement impensable que les spécialistes français aient pu, en 2004, ne pas identifier du polonium si ce polonium est effectivement encore présent huit ans plus tard comme on le dit à Lausanne», confie cette source.  

Du polonium avait-il été alors trouvé à l’hôpital Percy mais à des doses trop faibles pour qu’il soit létal? Dans ce cas, aurait-on gardé le silence pour des raisons diplomatiques? Les symptômes rapportés ne semblent a priori pas compatibles avec un tableau d’intoxication aigue par cette substance (comme dans le cas de l’espion russe Alexandre Litvinenko en 2006).

 On est très loin de la preuve d’un empoisonnement quelconque!